« J’ai donné à l’Afrique mon cœur, mon esprit et tout ce que j’avais ».
C’est dans le cadre prestigieux des Assemblées annuelles de la Banque africaine de développement (BAD), tenues du 26 au 30 mai 2025 à Abidjan, au Sofitel Hôtel Ivoire, que le président sortant, Dr Akinwumi Adesina, a prononcé ce mardi 27 mai son dernier discours à la tête de l’institution continentale.
Dix ans après sa prise de fonction, l’heure est venue de dresser le tableau d’une décennie d’engagement, entre défis mondiaux et avancées continentales.
Une vision, cinq priorités, des millions de vies transformées
Lors de son arrivée à la tête de la Banque en 2015, l’homme politique nigérian avait posé une ambition forte pour l’Afrique: éclairer, nourrir, industrialiser, intégrer le continent, et améliorer la qualité de vie de ses habitants.
Cette feuille de route s’est concrétisée dans le programme « High 5 », cinq priorités stratégiques devenues la boussole de la BAD.
Ainsi, des millions d’Africains raccordés à l’électricité, une sécurité alimentaire renforcée, une industrialisation accrue, des infrastructures modernisées et une meilleure intégration régionale.
Des chiffres record, un impact continental
Sous l’impulsion d’Akinwumi Adesina, l’institution africaine a mobilisé plus de 102 milliards de dollars (environ 62 000 milliards de FCFA) pour financer des projets à fort impact, touchant directement la vie de 565 millions de personnes.
Un autre élément marque le mandat du président sortant, sous sa direction, le capital de la Banque a triplé, passant de 93 à 318 milliards de dollars (soit 195 000 milliards FCFA), un exploit salué à l’unanimité par les partenaires internationaux.
Cette solidarité santé financière repose aussi sur une notation AAA, la meilleure possible, qui garantit une confiance totale des marchés financiers mondiaux et a été maintenue tout au long de la présidence d’Adesina.
Mais la Banque n’est pas qu’une institution financière, comme l’a rappelé le président ivoirien Alassane Ouattara : « La BAD, c’est plus qu’une banque, c’est un moteur de transformation ».
Car la décennie de l’homme politique nigérian a été marquée par des crises majeures — pandémie de Covid-19, guerre en Ukraine, inflation mondiale, urgence climatique — face auxquelles la BAD a su faire preuve d’innovation et de réactivité.
Elle a ainsi lancé une obligation sociale de 3 milliards de dollars (environ 1 830 milliards FCFA) et mis en place un mécanisme d’urgence de 10 milliards de dollars (6 100 milliards FCFA), tout en investissant massivement dans la santé, la sécurité alimentaire et l’industrie pharmaceutique.
Le plan d’urgence « Nourrir l’Afrique », réponse directe à la crise alimentaire mondiale, est une illustration concrète de cette action.
Avec 1,5 milliard de dollars investis (environ 915 milliards FCFA), 14 millions d’agriculteurs ont été soutenus dans 30 pays, produisant 44 millions de tonnes de nourriture, soit 116 % des objectifs fixés.
L’exemple de l’Éthiopie, aujourd’hui autosuffisante en blé, reste emblématique.
Sur le front énergétique, l’un des principaux bailleurs de fonds africains vise à connecter 300 millions d’Africains à l’électricité d’ici 2030.
Avec déjà 55 milliards de dollars (33 550 milliards FCFA) mobilisés, elle joue un rôle clé dans cette transition cruciale pour le continent.
Un partenaire clé pour la Côte d’Ivoire
Pour la Côte d’Ivoire, pays hôte des Assemblées, la structure est un partenaire stratégique incontournable.
En dix ans, ses financements ont bondi de 157 %, atteignant 3,6 milliards d’euros (environ 2 400 milliards FCFA).
Ces fonds ont permis la construction d’infrastructures majeures, comme le pont Henri Konan Bédié à Abidjan, 88 km d’autoroutes et 89 intersections, modernisant ainsi le pays.
« Accueillir une édition aussi stratégique est une fierté nationale », a déclaré la ministre ivoirienne du Plan, Nialé Kaba, tandis que le président Ouattara soulignait l’importance du rôle de la BAD dans la transformation économique ivoirienne.
À l’échelle mondiale, la BAD s’est imposée comme l’institution financière multilatérale la plus transparente selon Publish What You Fund, tout en inspirant de nombreuses autres organisations par ses innovations financières.
Et après Adesina ?
Aujourd’hui, cinq candidats briguent la succession d’Akinwumi Adesina.
Ce sont le Sénégalais Amadou Hott, ancien ministre et ex-vice-président de la BAD,le Zambien Samuel Munzele Maimbo ancien cadre de la Banque mondiale,l’ex-directeur de la BADEA le Mauritanien Sidi Ould Tah,la Sud-Africaine Bajabulile Swazi Tshabalala (seule femme en lice), actuellement vice-présidente principale de la BAD,et le Tchadien Mahamat Abbas Tolli, ex-gouverneur de la BEAC, soutenu par la CEMAC.
Le défi est clair : poursuivre cette dynamique et amplifier le rôle de la BAD.
Plus qu’une banque, elle est devenue un pilier géopolitique majeur, un amortisseur de chocs et un catalyseur d’innovation et de souveraineté pour l’Afrique.
Le prochain président sera élu ce jeudi 29 mai et prendra ses fonctions en septembre 2025.
Eirena Etté